L’éducation à la diversité, entre crises, contestations et réformes
Prendre au sérieux la question du colonial
Pour sa cinquième Rencontre internationale, le RIED appelle, comme il l’a fait lors des Rencontres précédentes, toute contribution individuelle ou collective (symposiums) s’inscrivant dans les domaines de préoccupation qui sont ceux du RIED. Ces trois journées traiteront des questions liées à la « diversité » en éducation et formation, sous ses multiples formes (culturelle, sociale, convictionnelle, linguistique, de genre etc.), à partir de grilles de lectures pouvant être issues de cadres disciplinaires multiples (sciences sociales, philosophie, politique, sciences de l’éducation, psychologie sociale, etc.) et pouvant déboucher sur des questions ou des propositions qui interpellent la formation des personnels scolaires.
On analysera entre autres les changements politiques et organisationnels survenus dans le domaine du RIED qui constituent depuis la dernière Rencontre, à Bruxelles en juillet 2022, l’actualité de l’inscription de la diversité à l’école. Au Québec par exemple, les changements curriculaires (par exemple le remplacement du programme Éthique et culture religieuse par le programme Culture et citoyenneté québécoise), législatifs (dont la modification de la Charte de la langue française) et institutionnels (par ex: généralisation des programmes EDI -Equité, diversité, inclusion) soulèvent de nombreuses controverses et mettent en lumière de nouveaux enjeux à analyser. En Belgique, la réforme d’ensemble initiée par le « Pacte pour un Enseignement d’Excellence » ne fait que très peu place aux enjeux de diversité (hormis au prisme du genre) et conduit à de nouveaux cadrages des problèmes scolaires ; elle conduit par ailleurs à une série de refontes systémiques (dispositifs inclusifs, suppression des soutiens particuliers) qui affectent directement ou indirectement la prise en charge scolaire des enfants primo-arrivants par exemple. En France, l’impact des polémiques publiques sur l’application du principe de laïcité, les conséquences de la loi « confortant les principes de la république » ont aussi marqué l’actualité de la diversité en éducation.
En outre, en parallèle de ces questions transversales qui constituent l’approche historique travaillée par le Réseau, la rencontre de Marseille fait le choix de cibler le prisme du colonial à l’école, en raison de sa place visible dans les conflictualités sociales autour de la scène scolaire, en Europe et ailleurs. Il s’agit de susciter et de réunir des travaux qui appréhendent l’école et la formation « au prisme du colonial ». Il apparait qu’une large gamme de pays ou régions francophones ont eu une expérience coloniale, à l’exception de la Suisse. La plupart des pays de l’Ouest européen sont d’anciens colonisateurs, la plupart des pays du Sud méditerranéen et subsaharien d’anciens colonisés. Au Québec, le prisme colonial est surtout mobilisé pour distinguer les groupes majoritaires francophone et anglophone, issus du colonialisme d’occupation en tant que gagnants ou perdants de l’histoire colonial, et appréhender leurs rapports avec les Premiers peuples, mais beaucoup moins en ce qui concerne les autres groupes minorisés. Dans ce sens, l’école peine à considérer les divers récits historiques nationaux et conceptions du vivre-ensemble qui cohabitent. Cet héritage a un impact dans les mentalités et les rapports sociaux (Memmi 1972, Belbahri 1988, Mbembé 2000, Hajjat 2005, Lorcerie 2007) et par voie de conséquence, il peut modeler les enjeux éducatifs. C’est cette hypothèse que la Rencontre de Marseille propose de mettre à l’épreuve. Les travaux sur les « situations coloniales » (Balandier 1951, Copans 2001) et les formes de domination ethno-raciale qu’elles ont instaurées sont désormais classiques et font partie de ce qu’on peut nommer après Kuhn la « science normale ». Ceux sur la résonance des rapports coloniaux dans les sociétés d’aujourd’hui – le « postcolonial » – ou sur la purgation de la colonialité des systèmes sociaux d’aujourd’hui – le « décolonial » – sont plus clivants (Khiari 2006, Bayart 2010, Clavreul 2017).
En s’emparant de ces problématiques à Marseille, ville modelée par les migrations transméditerranéennes et les rapports au Sud, le RIED souhaite en esquisser l’état des lieux dans le domaine de l’éducation et de la formation, tout en s’ouvrant en direction des pays ex-colonisés où la question de la colonialité nourrit aussi des travaux de recherche (Chevalier 2023). Les débats sur le « colonial », le « postcolonial » ou le « décolonial » décloisonnent l’analyse de ce que signifie concrètement la diversité à l’école. Ils amènent à réinjecter la durée et l’histoire dans l’analyse de ce qui se vit ici et maintenant. L’hypothèse globale est que les colonisations, sous leurs formes variées, ont modelé des fonctionnements institutionnels et des rapports sociaux dans les sociétés d’aujourd’hui, et que leur fin n’a pas mis fin à ces déterminations coloniales des fonctionnements sociaux, pas plus au Nord qu’au Sud. Mais cette hypothèse ne risque-t-elle pas d’emprisonner les rapports sociaux dans un nouveau cadrage colonial hégémonique et de produire ou entretenir des formes d’altérité ? Et ce, de la même façon, par exemple, que la dénomination Sud, aujourd’hui « Sud global », tend à englober différents pays au regard d’une norme nationale de développement, tandis qu’il existe des « Nords dans les Suds et des Suds dans les Nords ». Cet effet de perpétuation coloniale se lit-il dans les écoles aujourd’hui ? Comment le repérer ? Comment s’en défaire ? Comment se manifestent en la matière les différences entre les pays ?
Les réponses étant tout sauf assurées, doutes et controverses auront toute leur place dans l’exploration de ces problématiques lors de la Rencontre.
Format des contributions
Trois formats de contribution sont possibles : des contributions individuelles, des symposiums courts (3 communications, une session de travail) ou symposiums longs (6 communications, deux sessions).
Toutes les propositions sont à déposer dans l’espace de dépôt des contributions.
Les propositions de communication individuelles seront déposées sous forme d’un fichier comprenant les noms, prénoms et affiliations institutionnelles des auteurs ou autrices, un titre provisoire, un résumé de 2000 signes maximum et le(s) lien(s) avec les axes thématiques de la rencontre.
Les propositions de symposium seront déposées sous forme d’un premier fichier comprenant les noms, prénoms et affiliations des corrdinateurs/coordinatrice du symposium, le titre du symposium, un texte général de cadrage (2000 signes maximum), présentant l’objet du symposium, les enjeux théoriques et pratiques abordés et le(s) lien(s) avec les axes thématiques de la rencontre. Les coordinateurs·trices du symposium seront libres de proposer les modalités de travail qu’ils/elles souhaitent (avec ou sans discutant par exemple). Les coordinateurs ou coordinatrices déposeront aussi un fichier indiquant la liste des communications (auteurs/autrices, institution de rattachement).. Enfin, les coordinateurs ou coordinatrices déposeront chacun des fichiers des communications comprenant les noms, prénoms et affiliations institutionnelles des auteurs ou autrices, un titre provisoire, un résumé de 2000 signes maximum..
Ces propositions sont à déposer pour le 29 février 2024 au plus tard.
Pour toutes informations complémentaires, contactez :
Julien Garric : julien.garric@univ-amu.fr
Françoise Lorcerie : francoise.henry-lorcerie@univ-amu.fr
Francine Nyambek Mebenga : francine.nyambek-mebenga@u-pec.fr