[kc_row use_container=”yes” force=”no” column_align=”middle” video_mute=”no” _id=”79019″][kc_column width=”67.93%” video_mute=”no” _id=”801991″][kc_column_text _id=”159696″]
Dans le cadre des 50 ans de l’IREDU, nous revenons sur quelques publications qui ont marqué l’histoire du laboratoire. Jean Bourdon a accepté de nous parler, quelques années plus tard, de son article intitulé « La formation contre le chômage, une vision économique réévaluée de l’investissement éducatif ? » paru dans la Revue Sociologie du travail en 1995.
Jean Bourdon est un économiste, qui s’est intéressé durant sa carrière à l’économie de l’éducation dans les pays les moins avancés, mais a également travaillé sur la question de l’éducation, vue comme une variable économique.
« Quelle était l’origine de la publication ? »
Jean Bourdon : « Dans les années 1970, j’ai commencé à m’intéresser aux notions de chômage de masse et à l’insertion sur le marché professionnel qui étaient des sujets émergents dans la société. Dans le même temps, la notion de capital humain commençait à être remise en question car elle était jugée trop rigide. Ce sont ces courants de pensée, à l’exemple des travaux du LEST sur l’analyse sociétale en comparatif qui sont à l’origine de la réflexion autour de ce papier. Un peu plus tard, de 1986 à 1988, je me suis inséré à l’IREDU, en gardant contact avec des sociologues qui souhaitaient collaborer avec moi sur ces questions de chômage de masse et d’insertion professionnelle. De 1992 à 1994, je me suis mis à écrire cet article, c’était une satisfaction parce que dans le même temps je donnais un cours d’économie du travail, et la préparation de ce cours m’aidait à la rédaction de l’article. Même si ces questions étaient déjà présentes en France plus tôt, cet article ne pouvait pas se réaliser car ça manquait de données. Les premières données fiables apparaissent dans les années 1990 avec les “Regards sur l’éducation” de l’OCDE, sans lesquelles l’article n’aurait pas vu le jour. »
« La genèse de cet article est-elle liée à des réflexions internes à l’IREDU ? »
Jean Bourdon : « Oui tout à fait, il y a d’abord le travail de Marie Duru-Bellat avec L’école des filles, mais également le travail de Jean-Pierre Jarousse et d’Alain Mingat sur le réexamen de la fonction de Mincer qui montre que le capital humain n’est pas linéaire, qu’il y a des différences d’établissement, des différences de filières, mais qu’il y a des incidents, des redoublements, des stigmates. Alors évidemment, c’est nettement inspiré de tout ça. D’autre part, c’est le type d’article que je n’aurais pas pu faire si je n’avais pas eu accès, d’une part au réseau de l’IREDU et à son fonds documentaire, comprenant des encyclopédies et manuel statistiques qui décrivent les systèmes éducatifs, car ce sont des documents assez rares pour certains. »
« Quel était l’enjeu scientifique ? »
Jean Bourdon : « Il s’agissait de montrer que la théorie du capital humain se heurtait au chômage de masse. Mais il faut également garder à l’esprit que ce qui caractérisait le système éducatif français c’était quand même son aspect malthusien. A l’époque où l’article a été écrit, il y a quand même 25 ans, on commençait seulement à parler des 80 % d’une classe d’âge au BAC. On avait un retard considérable dans l’accès aux études longues. Par exemple, au Canada, deux tiers des jeunes femmes de 24-25 ans avaient alors fréquenté l’université, en France on était à peine à 13 %. Les résultats de la recherche nous montrent que le Capital humain reste encore un bien rare et mal distribué dans la population. »
« Quel était le contexte plus institutionnel ? »
Jean Bourdon : « Autant j’ai été un chercheur marqué par la commande, autant c’est l’une des rares publications que j’ai fait sans commande, vraiment dans la situation parfaite du chercheur libre. C’est peut-être ça qui le rend sympathique. Ce travail remettait un peu en cause la chose dominante, l’idée en France de la fameuse relation formation-emploi. »
« Avez-vous bénéficié d’apports déterminants de certaines lectures théoriques ou méthodologiques ? »
Jean Bourdon : « Oui tout à fait. Les travaux de Piore, Spence, Thurow, la segmentation… ont nourrit ma réflexion. Je m’étais fixé comme cadre de travail le niveau macro-économique, car s’il y a chômage de masse, alors il y a relation macro-économique. C’était influencé également par la grande proximité de Marie Duru-Bellat, et celle de Jean-Pierre Jarousse avec Alain Mingat comme je l’ai expliqué précédemment. Puis il y avait aussi le centre de documentation de l’IREDU qui contenait les encyclopédies décrivant les systèmes éducatifs, que j’ai déjà évoquées. »
« Quelles sont les méthodes que vous avez utilisées pour cette recherche ? »
Jean Bourdon : « Ce sont des méthodes excessivement simples, des statistiques descriptives, des modèles très simples, basiques. C’est donc l’analyse classique toutes choses égales par ailleurs. »
« Les résultats obtenus vous ont-ils surpris ? »
Jean Bourdon : « Oui en effet, c’est cette situation un peu sinistrée de la France. On voyait nettement que le monde commençait à changer, les besoins en compétences également. On a rencontré des problèmes de qualification de la main-d’œuvre et on a attesté de ce qu’on appelle le fameux chômage d’équilibre, qui indique que même si la France était à 9 voire 10 % de taux de chômage, peu sont employables d’un point de vue macro-économique. Ça aurait été très intéressant de refaire l’article 5 ans après, après cette phase de croissance de la toute fin du millénaire, même s’il y a une croissance formidable, des créations d’emploi, il n’y aura personne pour équiper des emplois parce qu’il y a un déficit de compétences. Donc il y a du chômage par in-employabilité. Ça renvoyait à des résultats surprenants, comme le plancher du chômage par rapport à l’emploi potentiel et à l’in-employabilité. »
« Les travaux ont-ils été cités ou repris ? »
Jean Bourdon : « Cité, un peu, avec une vingtaine d’articles l’ayant depuis référencé d’après les bases de bibliométrie. Néanmoins l’article a eu une chance extraordinaire, parce qu’il a été largement repris dans une revue de vulgarisation, hélas disparue, nommée Problèmes économiques. Outil de travail pour bon nombre d’enseignants en sciences économiques et sociales qui s’en servaient pour construire leurs cours, et souvent, même s’ils ne partageaient pas mes points de vue, ils posaient de très bonnes questions. En 1996, une fondation franco-américaine, m’a demandé de rejoindre un groupe de travail autour du chômage des jeunes, animé par E. Malinvaud et J. Stiglitz. J’étais donc assez content. »
« Y-a-t-il eu des prolongements à l’IREDU ? »
Jean Bourdon : « Oui, il y a eu des prolongements, j’ai essayé d’y impliquer des étudiants en mémoire et parfois en thèse, il y a eu de bons mémoires, qui étaient des ré-interprétations de Thurow, J’ai essayé de faire travailler les étudiants sur l’actualité du texte Schooling in Capitalist America, la théorie des attitudes de Bowles et Gintis, c’était moins brillant, les thèses n’ont pas abouti sur ce point. Côté IREDU les prolongements ont été plus sur l’emploi des jeunes scientifiques avec Jean-Jacques Paul et Claire Bonnard. Un segment de l’emploi où se valident des choses sur les filtres et les signaux. Mais le monde avait changé par rapport à 1995, on n’avait plus les mêmes bases de référence et non plus les mêmes points de vue. Surtout on a eu de nouveaux outils ; les enquêtes longitudinales, les enquêtes générations du CEREQ, là vous aviez toutes les clés : les gens, leur histoire de vie, le suivi des formations qu’ils ont eu avec leurs aléas et puis leurs démarches… On avait les informations au niveau micro-économie pour tester tout ceci, et non plus une myopie macro comme dans ce texte »
« Les résultats sont-ils toujours d’actualité ? »
Jean Bourdon : « C’est un sujet qui est resté, et le contexte a changé, alors oui on peut considérer qu’il reste une petite idée actuelle de la théorie du filtre, mais pas totalement. Il y a eu beaucoup mieux depuis avec des données longitudinales dont on dispose pour tester la force des liens faibles de Granovetter. Désormais, le point de vue micro-économique longitudinal semble indispensable. »
« Rétrospectivement, auriez-vous changé quelque chose à l’article ? »
Jean Bourdon : « Non, il est très bien comme ça avec ses faiblesses. On peut le critiquer, mais la recherche est une routine, il ne faut jamais regarder en arrière, il n’y a pas plus grand péché pour un chercheur que de vouloir changer l’histoire. Donc je n’y changerais rien, j’utiliserais de nouveaux outils sans doute, mais c’est tout. »
« Les experts de la revue vous-ont-ils aidé à faire évoluer l’article ? »
Jean Bourdon : « Oui, on le comprend assez tard, mais il faut prendre en compte soigneusement, même si ceci énerve, l’amélioration des papiers proposée par les experts. »
Entretien réalisé par Léa Mouflin, stagiaire à l’IREDU en Mars 2021
[/kc_column_text][/kc_column][kc_column width=”32.04%” video_mute=”no” _id=”430494″][kc_column_text _id=”465177″ class=”https://www.persee.fr/doc/sotra_0038-0296_1995_num_37_4_2222″]
[/kc_column_text][kc_single_image image_size=”full” _id=”47286″ image_source=”media_library” image=”7331″ css_custom=”{`kc-css`:{`any`:{`image-style`:{`text-align|`:`center`}}}}”][kc_single_image image_size=”large” _id=”173915″ image_source=”media_library” image=”2105″ css_custom=”{`kc-css`:{`any`:{`image-style`:{`text-align|`:`center`}}}}”][/kc_column][/kc_row]