Thème 1 : Conditions sociales et scolaires de la réussite
Les projets de recherche développés dans ce premier thème visent à mieux comprendre comment se construisent les parcours de réussite au sein du système éducatif, du primaire à l’enseignement supérieur. La notion de réussite est liée aux normes imposées par une institution scolaire, qui peuvent varier au sein de chaque niveau et de chaque cursus. La possibilité d’être à la hauteur des exigences formulées par l’institution scolaire dépend du rôle de l’héritage culturel, comme il a été montré dans les années 1960-1970 (Bourdieu et Passeron, 1964), mais également de la manière dont l’institution scolaire peut contribuer ou non à réduire les inégalités initiales (Duru-Bellat et Mingat, 1997). L’objectif est donc de comprendre quel peut être le rôle de l’école pour améliorer les conditions de réussite tout en prenant en compte l’héritage et la socialisation familiale qui structurent toujours les inégalités. Dans ce cadre, et malgré les fortes disparités existantes en termes de ressources, au niveau des élèves et de leurs familles comme au niveau des établissements, on s’interrogera également sur les conditions d’une école efficace et équitable qui pourrait favoriser la réussite de tous (Demeuse et alii, 2005), en privilégiant deux approches complémentaires. La première portera sur la manière dont les acquis et les compétences des apprenants se développent, évoluent dans différents contextes et contribuent à l’explication de leur choix d’orientation et de parcours de réussite. La deuxième approche permettra de tenir compte des ressources dont les élèves sont dotés et qui sont susceptibles d’influencer leur réussite. Il s’agira de tenir compte de ressources sociales et familiales (Meuret et Morlaix, 2006) mais aussi des ressources plus collectives liées aux institutions éducatives, qui peuvent contribuer à structurer les inégalités de réussite.
Sous-thème 1.1. Acquis, compétences et parcours de réussite des élèves
Les jeunes enfants abordent les apprentissages scolaires inégalement « outillés », engendrant des inégalités sociales de performance dès les premières années de l’école primaire, qui vont s’accroitre au fur et à mesure de leur parcours et ne s’avèreront pas sans conséquence sur leurs carrières scolaires (Duru-Bellat, Farges et van Zanten, 2018). De tels constats conduisent à s’interroger sur la nature des compétences, à la fois académiques et non académiques, développées par les apprenants et les effets de ces acquisitions sur leur parcours de réussite. Les travaux réalisés à l’IREDU depuis une dizaine d’années ont permis à la fois de mieux appréhender théoriquement les processus d’acquisition de ces compétences mais aussi d’en construire des outils de mesure et d’en évaluer les effets sur les parcours.
Plusieurs projets de recherche se proposent d’approfondir ces travaux, lors de certaines étapes du parcours qui apparaissent déterminantes. Par exemple, au niveau de l’enseignement primaire, face à la récente obligation d’instruction pour les enfants dès l’âge de trois ans, il s’agira d’étudier les effets de la scolarisation précoce sur les apprentissages des élèves (projet PRESCOL, – projet amorçage Région BFC) notamment par le biais de l’exploitation de l’enquête longitudinale ELFE (enquête nationale coordonnée par l’INED et l’INSERM). La fin de l’enseignement secondaire, la mise en œuvre de la loi Orientation et Réussite des Etudiants (ORE) en 2018 et la réforme du baccalauréat en 2021 ont également introduit des questionnements nouveaux concernant les parcours de réussite des élèves, les compétences et acquis à valoriser pour améliorer les chances d’une orientation souhaitée. Les travaux porteront sur le processus d’orientation du secondaire au supérieur, notamment en étudiant les déterminants individuels et contextuels des préférences d’orientation des lycéens, l’accompagnement à l’orientation par des professionnels et les inégalités territoriales d’orientation (collaboration avec le projet PIA 3 ORLYSUP, Université de Rouen, Rennes et Laval) ou en cherchant à identifier les meilleurs prédicteurs de réussite en première année universitaire parmi ceux disponibles dans Parcoursup (projet en commun avec le laboratoire LEAD, UMR 5022).
Ensuite, les « éducations à » forment un ensemble qui couvre des domaines de la vie sociale et des intentions de formation très variés, et dont les demandes d’introduction dans l’école ne cessent de s’accroître (Audigier, 2012). Les travaux seront axés sur les problématiques liées aux modes d’acquisition de ces compétences par les élèves dans la continuité des travaux menés à l’IREDU sur l’acquisition des compétences académiques et non académiques. C’est à ce titre qu’est notamment questionné le rôle de l’effet établissement dans le développement des compétences citoyennes par les élèves de l’enseignement secondaire. Outre l’éducation à la citoyenneté, d’autres projets de recherche portent sur d’autres facettes de « l’éducation à ». Par exemple, des travaux pourront porter sur l’éducation à l’esprit critique, à travers la lutte contre la désinformation des jeunes (projet DESINFO- projet amorçage Région BFC), sur l’éducation à la santé (projet SANMIS- projet envergure Région BFC), sur l’éducation au développement durable ou bien encore sur l’éducation à l’orientation et à la découverte du monde de l’entreprise par les élèves (finalisation d’un projet financé par le Fonds d’Expérimentation de la Jeunesse).
Sous-thème 1.2. Rôle des ressources socio-économiques, des pratiques et des institutions éducatives dans les inégalités scolaires
De nombreuses recherches, dont certaines ont été menées à l’IREDU, ont souligné la complexité des effets des politiques éducatives sur la scolarité des élèves et des apprenants. Elles peuvent parfois compenser l’absence de ressources socio-économiques des familles et des territoires. Elles sont parfois également porteuses de nouvelles inégalités et d’effets pervers. Ce sous-thème vise plus spécifiquement à s’interroger sur le rôle des ressources socio-économiques, des pratiques et des institutions éducatives dans la fabrication des inégalités sociales de scolarisation.
La transition école-collège est ainsi déterminante au sein de l’éducation prioritaire, pour sécuriser les apprentissages des élèves les plus en difficultés. Ce sera un des objets de l’évaluation de la Cité Éducative de Nevers, qui devrait permettre d’étudier comment une dynamique partenariale au niveau d’un territoire pourrait diminuer le décrochage et faciliter la poursuite d’études.
L’enseignement professionnel représente également un enjeu majeur en termes d’inégalités des chances. Les transformations de la voie professionnelle ont conduit à un changement des publics qui passent par ces différentes filières. Dans une perspective longitudinale, les travaux porteront sur les carrières scolaires des jeunes issus de l’enseignement professionnel en s’interrogeant sur les nouvelles conditions de réussite dans cette voie, mais également sur les effets de sélection et d’auto-sélection dans le processus d’orientation. A partir des données de panels secondaires de la DEPP, un des enjeux sera d’étudier les effets de la réforme de 2009 sur le parcours des élèves de CAP, premier niveau de sortie du système éducatif (recherche menée avec le LEST-UMR 7317). Un autre enjeu sera d’étudier, en lien avec leurs caractéristiques sociales et scolaires, les possibilités de poursuites d’études des bacheliers professionnels dans l’enseignement supérieur.
D’autres travaux pourront porter sur la voie générale ainsi que sur la transition lycée-enseignement supérieur. Les effets de réformes nationales récentes (réforme du lycée et du baccalauréat, réforme des études de médecine …) et l’évolution de dispositifs pédagogiques dans le supérieur visent à améliorer les conditions d’orientation, mais également le succès dans les années post-bac. Les recherches menées notamment dans le cadre du projet PIA RITM-BFC permettront d’appréhender l’effet de différents dispositifs innovants d’accompagnement, de tutorat, d’aide à la réussite ou de remédiation sur les inégalités. Ces dernières peuvent également être appréhendées de manière spécifique dans certaines filières sous le prisme du genre, comme, dans le cadre d’un projet ANR mené conjointement avec des membres de l’école d’économie de Paris et de l’université de Toronto, et ayant pour objectif d’étudier l’efficacité de modèles féminins pour orienter les filles vers filières scientifiques.
L’effet « enseignant » constitue aussi une dimension importante dans la compréhension des inégalités scolaires. Au sein de ce sous-thème, il s’agira de se focaliser essentiellement sur les pratiques d’enseignement en analysant les conceptions de l’enseignement des enseignants, les facteurs présidant à la construction des pratiques pédagogiques et leurs effets sur la scolarité des apprenants au sens large. Les travaux pourront porter sur les pratiques évaluatives des enseignants dans le prolongement d’un partenariat avec le CNESCO, ou sur le rôle joué par ces pratiques sur les acquisitions des élèves. A titre d’exemple, un projet mené dans le cadre d’un partenariat avec un LEA (Lieu d’Education Associé de l’Institut Français de l’Education) au sein d’un collège de la métropole dijonnaise, vise à former des enseignants à l’attention et à en mesurer les effets sur les manières d’étudier des élèves. D’autres recherches se focaliseront enfin sur le contexte spécifique de l’enseignement universitaire, dans les prolongements des problématiques auxquelles celui-ci s’est trouvé confronté depuis la pandémie de COVID19. Seront par exemple menés des travaux sur les liens entre l’utilisation des plateformes d’enseignement en ligne par les enseignants et l’engagement des étudiants ou sur les effets des interactions verbales en cours magistral sur l’engagement et la réussite en première année universitaire.