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Fallait-il vraiment en finir avec le redoublement ?

Jean-Jacques PAUL est professeur émérite en sciences économiques. Ancien directeur de l’IREDU, il a travaillé durant sa carrière sur la relation formation-emploi, sur l’insertion professionnelle des jeunes, et sur d’autres thèmes tels que les inégalités de réussite scolaire, universitaire et professionnelle.

Dans le cadre des 50 ans de l’IREDU, il a accepté de nous parler de l’une de ses publications qui a marqué non seulement sa carrière de chercheur mais également celle du laboratoire à savoir, le rapport sur le redoublement intitulé : « Les apports de la recherche sur l’impact du redoublement comme moyen de traiter les difficultés scolaires au cours de la scolarité obligatoire », publié par le Haut Conseil de l’évaluation de l’école en 2004.

« Pouvez-vous d’abord resituer cette publication dans votre carrière et expliquer comment a émergé cette question de recherche ? »

Jean-Jacques Paul : « Alors, le rapport est daté de 2004, je vais remonter presque dix ans en arrière. De 1993 à 1996, j’étais professeur à Lyon 2, à l’ISPEF, j’avais quitté le CNRS, et j’avais un poste de professeur à Lyon. Mais je continuais à effectuer la majeure partie de mes recherches à l’IREDU. A Lyon 2, un de mes collègues s’appelait Michel Develay, et était directeur d’une collection chez ESF.

Un jour, nous avons eu une discussion sur le redoublement. A l’époque plusieurs chercheurs de l’IREDU, notamment Alain Mingat et Marie Duru-Bellat venaient de commencer leur grande recherche sur le collège et avaient eu l’occasion de rencontrer le problème de la pratique du redoublement. Je connaissais leurs travaux et j’en ai donc discuté avec M. Develay.  

À la suite de cette conversation, il m’a demandé si je serais intéressé pour lui écrire un livre, à propos du redoublement, dans le but de l’intégrer à sa collection, puisqu’en France, nous ne disposions pas encore d’ouvrage à ce sujet. J’avoue que j’étais un peu surpris car ce n’était pas du tout dans mon domaine. Je me suis donc dis pourquoi pas, et je me suis lancé.

J’ai donc beaucoup lu, et je me suis documenté sur ce qui avait été écrit dans le monde entier, et en Europe notamment. J’ai écrit un livre qui s’appelle Le redoublement pour ou contre qui, à l’époque était le premier ouvrage français qui traitait spécifiquement du redoublement. Il avait fait un peu débat et avait été médiatisé ; j’ai été amené à donner plusieurs interviews télévisées mais également à la radio. J’étais un peu surpris, mais cela dit, c’était la première fois qu’un économiste s’intéressait à cette question du redoublement, qui n’était pas à priori une question d’ordre économique, bien que plusieurs années plus tard, d’autres économistes se soient interrogés à leur tour sur ce sujet.

Une dizaine d’années plus tard, Christian Forestier, alors président du Haut conseil de l’évaluation de l’école m’explique qu’il aimerait qu’on rédige un rapport sur ce qu’on sait du redoublement. C’était une question qui les préoccupait et le Haut conseil souhaitait écrire un rapport pour le ministre. Et donc il m’a demandé si je pouvais prendre en charge la préparation d’un tel rapport. Au même moment, j’avais en direction de thèse Thierry Troncin.

On avait décidé de reprendre en charge une recherche ancienne du début des années 1980 de Claude Seibel et Jaqueline Levasseur qui avait été la première recherche un peu sérieuse sur le redoublement. L’idée était de suivre une cohorte sur deux ans en reprenant la méthodologie de ces auteurs. Donc on avait grâce à cette recherche d’une part le corpus bibliographique que j’avais rédigé pour mon précédent ouvrage, et d’autre part les éléments nouveaux apportés par la thèse de Thierry Troncin. Je lui ai donc proposé qu’on fasse ce travail ensemble, et on a produit ce rapport. »

« Était-elle liée à des réflexions internes à l’IREDU ? »

Jean-Jacques Paul : « Absolument, au départ, mes informations étaient tirées des recherches des collèges de l’IREDU et notamment de la recherche sur le collège de Marie Duru-Bellat et Alain Mingat. »

« Quels étaient les enjeux scientifiques de ce rapport ? »

Jean-Jacques Paul : « C’est cet ouvrage de 1996 qui est le point de départ. J’ai commencé ces travaux de recherche un peu naïvement si je puis dire, avec pour premières connaissances les travaux de mes collègues. En creusant, je découvrais petit à petit tous les problèmes que je n’imaginais pas au départ et que posait le redoublement. Comme je l’ai expliqué dans mon ouvrage, le redoublement apparaît non seulement comme injuste, inefficace d’un point de vue pédagogique mais aussi couteux d’un point de vue économique. Donc c’est une mesure qu’il est difficile de défendre. L’objet scientifique du rapport c’était de rassembler 10 ans après les informations dont on pouvait disposer pour voir si les hypothèses que j’avais développées dans mon ouvrage de 1996 tenaient encore. Non seulement elles s’avéraient toujours valables, mais en plus elles étaient renforcées par les premières données qu’on avait pu récolter de la recherche de Thierry Troncin. »

« Quel était le contexte institutionnel français au moment de la publication de ce rapport ? »

Jean-Jacques Paul : « Institutionnellement, on observait que la majeure partie des acteurs étaient favorables au redoublement. Les enseignants mais aussi les familles y étaient favorables. Thierry Troncin l’avait confirmé à partir des interviews pour sa thèse. On a des travaux, on met en avant des preuves, mais on n’arrive pas pour autant à changer l’état d’esprit des acteurs. On essayait de montrer que le redoublement n’était pas une bonne solution pédagogique. »

« Avez-vous bénéficié d’apports déterminants de certaines lectures théoriques ou méthodologiques ? »

Jean-Jacques Paul : « Marcel Crahay qui a été le premier à travailler sur la question, car la Belgique était, tout comme la France, adepte du redoublement. D’autres travaux déjà anciens, de Walo Hutmacher en Suisse, montraient que des élèves qui gardaient le même enseignant sur deux ans, redoublaient moins que des élèves qui changeaient d’enseignant. Je pense également à Holmes, un américain qui a fait des recherches de synthèse sur le redoublement. Mais également les travaux des collègues de l’IREDU, notamment ceux de Marie Duru-Bellat et d’Alain Mingat,ou de Bruno Suchaut. »

« Quels étaient les aspects les plus novateurs du papier ? »

Jean-Jacques Paul : « Je ne me considère pas comme un chercheur sur le redoublement. Je considère plutôt avoir réalisé un travail de vulgarisation. La recherche la plus sérieuse pour moi est celle de Thierry Troncin, qui a été dans les classes, a récolté des questionnaires, fait des interviews… Mon apport reste novateur avec l’ouvrage paru en 1996, qui est un ouvrage de synthèse. »

« Les résultats obtenus ont-ils fait débat ? Ont-ils été repris ? »

Jean Jacques Paul : « Des débats oui, car comme dans de nombreux débats, il y a eu deux « partis » si je puis dire. On avait d’un côté une presse conservatrice, des revues conservatrices, les « anti-pédagogistes » et de l’autre ceux qui étaient convaincus des méfaits du redoublement. Ensuite, il a été repris, par d’un groupe de travail autour de Claude Seibel, dans les années 2007-2008, dont le but était de donner des informations au niveau du ministère. »

« Les résultats sont-ils toujours d’actualité ? »

Jean-Jacques Paul : « Etant en dehors du système aujourd’hui, je ne connais pas véritablement les problématiques actuelles à propos du redoublement, je laisse cette question aux futures générations de chercheurs. »

« Les experts vous ont-ils aidé à faire évoluer votre rapport ? »

Jean-Jacques Paul : « C’est un rapport dans un cadre politique, il a été soumis aux experts du haut conseil de l’évaluation, il a été discuté avant d’être publié. »

« Les résultats obtenus vous ont-ils surpris ? »

Jean-Jacques Paul : « Non pas du tout, car l’ouvrage de 1996 avait déjà permis de tirer certaines conclusions, donc dix ans après, nous pouvions dire approximativement la même chose, peut-être avec un peu plus de certitude car nous avions de nouvelles recherches à l’appui. »

Entretien réalisé par Léa Mouflin, stagiaire à l’IREDU en Février 2021

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Jean-Jacques PAUL est professeur émérite en sciences économiques. Ancien directeur de l’IREDU, il a travaillé durant sa carrière sur la relation formation-emploi, sur l’insertion professionnelle des jeunes, et sur d’autres thèmes tels que les inégalités de réussite scolaire, universitaire et professionnelle.

Dans le cadre des 50 ans de l’IREDU, il a accepté de nous parler de l’une de ses publications qui a marqué non seulement sa carrière de chercheur mais également celle du laboratoire à savoir, le rapport sur le redoublement intitulé : « Les apports de la recherche sur l’impact du redoublement comme moyen de traiter les difficultés scolaires au cours de la scolarité obligatoire », publié par le Haut Conseil de l’évaluation de l’école en 2004.

« Pouvez-vous d’abord resituer cette publication dans votre carrière et expliquer comment a émergé cette question de recherche ? »

Jean-Jacques Paul : « Alors, le rapport est daté de 2004, je vais remonter presque dix ans en arrière. De 1993 à 1996, j’étais professeur à Lyon 2, à l’ISPEF, j’avais quitté le CNRS, et j’avais un poste de professeur à Lyon. Mais je continuais à effectuer la majeure partie de mes recherches à l’IREDU. A Lyon 2, un de mes collègues s’appelait Michel Develay, et était directeur d’une collection chez ESF.

Un jour, nous avons eu une discussion sur le redoublement. A l’époque plusieurs chercheurs de l’IREDU, notamment Alain Mingat et Marie Duru-Bellat venaient de commencer leur grande recherche sur le collège et avaient eu l’occasion de rencontrer le problème de la pratique du redoublement. Je connaissais leurs travaux et j’en ai donc discuté avec M. Develay.  

À la suite de cette conversation, il m’a demandé si je serais intéressé pour lui écrire un livre, à propos du redoublement, dans le but de l’intégrer à sa collection, puisqu’en France, nous ne disposions pas encore d’ouvrage à ce sujet. J’avoue que j’étais un peu surpris car ce n’était pas du tout dans mon domaine. Je me suis donc dis pourquoi pas, et je me suis lancé.

J’ai donc beaucoup lu, et je me suis documenté sur ce qui avait été écrit dans le monde entier, et en Europe notamment. J’ai écrit un livre qui s’appelle Le redoublement pour ou contre qui, à l’époque était le premier ouvrage français qui traitait spécifiquement du redoublement. Il avait fait un peu débat et avait été médiatisé ; j’ai été amené à donner plusieurs interviews télévisées mais également à la radio. J’étais un peu surpris, mais cela dit, c’était la première fois qu’un économiste s’intéressait à cette question du redoublement, qui n’était pas à priori une question d’ordre économique, bien que plusieurs années plus tard, d’autres économistes se soient interrogés à leur tour sur ce sujet.

Une dizaine d’années plus tard, Christian Forestier, alors président du Haut conseil de l’évaluation de l’école m’explique qu’il aimerait qu’on rédige un rapport sur ce qu’on sait du redoublement. C’était une question qui les préoccupait et le Haut conseil souhaitait écrire un rapport pour le ministre. Et donc il m’a demandé si je pouvais prendre en charge la préparation d’un tel rapport. Au même moment, j’avais en direction de thèse Thierry Troncin.

On avait décidé de reprendre en charge une recherche ancienne du début des années 1980 de Claude Seibel et Jaqueline Levasseur qui avait été la première recherche un peu sérieuse sur le redoublement. L’idée était de suivre une cohorte sur deux ans en reprenant la méthodologie de ces auteurs. Donc on avait grâce à cette recherche d’une part le corpus bibliographique que j’avais rédigé pour mon précédent ouvrage, et d’autre part les éléments nouveaux apportés par la thèse de Thierry Troncin. Je lui ai donc proposé qu’on fasse ce travail ensemble, et on a produit ce rapport. »

« Était-elle liée à des réflexions internes à l’IREDU ? »

Jean-Jacques Paul : « Absolument, au départ, mes informations étaient tirées des recherches des collèges de l’IREDU et notamment de la recherche sur le collège de Marie Duru-Bellat et Alain Mingat. »

« Quels étaient les enjeux scientifiques de ce rapport ? »

Jean-Jacques Paul : « C’est cet ouvrage de 1996 qui est le point de départ. J’ai commencé ces travaux de recherche un peu naïvement si je puis dire, avec pour premières connaissances les travaux de mes collègues. En creusant, je découvrais petit à petit tous les problèmes que je n’imaginais pas au départ et que posait le redoublement. Comme je l’ai expliqué dans mon ouvrage, le redoublement apparaît non seulement comme injuste, inefficace d’un point de vue pédagogique mais aussi couteux d’un point de vue économique. Donc c’est une mesure qu’il est difficile de défendre. L’objet scientifique du rapport c’était de rassembler 10 ans après les informations dont on pouvait disposer pour voir si les hypothèses que j’avais développées dans mon ouvrage de 1996 tenaient encore. Non seulement elles s’avéraient toujours valables, mais en plus elles étaient renforcées par les premières données qu’on avait pu récolter de la recherche de Thierry Troncin. »

« Quel était le contexte institutionnel français au moment de la publication de ce rapport ? »

Jean-Jacques Paul : « Institutionnellement, on observait que la majeure partie des acteurs étaient favorables au redoublement. Les enseignants mais aussi les familles y étaient favorables. Thierry Troncin l’avait confirmé à partir des interviews pour sa thèse. On a des travaux, on met en avant des preuves, mais on n’arrive pas pour autant à changer l’état d’esprit des acteurs. On essayait de montrer que le redoublement n’était pas une bonne solution pédagogique. »

« Avez-vous bénéficié d’apports déterminants de certaines lectures théoriques ou méthodologiques ? »

Jean-Jacques Paul : « Marcel Crahay qui a été le premier à travailler sur la question, car la Belgique était, tout comme la France, adepte du redoublement. D’autres travaux déjà anciens, de Walo Hutmacher en Suisse, montraient que des élèves qui gardaient le même enseignant sur deux ans, redoublaient moins que des élèves qui changeaient d’enseignant. Je pense également à Holmes, un américain qui a fait des recherches de synthèse sur le redoublement. Mais également les travaux des collègues de l’IREDU, notamment ceux de Marie Duru-Bellat et d’Alain Mingat,ou de Bruno Suchaut. »

« Quels étaient les aspects les plus novateurs du papier ? »

Jean-Jacques Paul : « Je ne me considère pas comme un chercheur sur le redoublement. Je considère plutôt avoir réalisé un travail de vulgarisation. La recherche la plus sérieuse pour moi est celle de Thierry Troncin, qui a été dans les classes, a récolté des questionnaires, fait des interviews… Mon apport reste novateur avec l’ouvrage paru en 1996, qui est un ouvrage de synthèse. »

« Les résultats obtenus ont-ils fait débat ? Ont-ils été repris ? »

Jean Jacques Paul : « Des débats oui, car comme dans de nombreux débats, il y a eu deux « partis » si je puis dire. On avait d’un côté une presse conservatrice, des revues conservatrices, les « anti-pédagogistes » et de l’autre ceux qui étaient convaincus des méfaits du redoublement. Ensuite, il a été repris, par d’un groupe de travail autour de Claude Seibel, dans les années 2007-2008, dont le but était de donner des informations au niveau du ministère. »

« Les résultats sont-ils toujours d’actualité ? »

Jean-Jacques Paul : « Etant en dehors du système aujourd’hui, je ne connais pas véritablement les problématiques actuelles à propos du redoublement, je laisse cette question aux futures générations de chercheurs. »

« Les experts vous ont-ils aidé à faire évoluer votre rapport ? »

Jean-Jacques Paul : « C’est un rapport dans un cadre politique, il a été soumis aux experts du haut conseil de l’évaluation, il a été discuté avant d’être publié. »

« Les résultats obtenus vous ont-ils surpris ? »

Jean-Jacques Paul : « Non pas du tout, car l’ouvrage de 1996 avait déjà permis de tirer certaines conclusions, donc dix ans après, nous pouvions dire approximativement la même chose, peut-être avec un peu plus de certitude car nous avions de nouvelles recherches à l’appui. »

Entretien réalisé par Léa Mouflin, stagiaire à l’IREDU en Février 2021

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