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Axe de recherche 1 (2017-2021)

Thème : Conditions sociales et scolaires de la réussite

1.1. Acquis, compétences et réussite des élèves

1.2. Rôle des ressources socio-économiques et des institutions éducatives dans les inégalités de réussite

1.3. Politiques publiques éducatives, modes de régulation des inégalités et acteurs.

Responsables de thème : S. Garcia et S. Morlaix.

Participants statutaires au thème : Halim Bennacer, Amélie Duguet, Sandrine Garcia, Sophie Genelot, Marielle Le Mener, Denis Meuret (émérite), Sophie Morlaix.

Associés: Marie Duru-Bellat, Daniel Janichon, Alain Mingat, Cathy Perret, Thierry Troncin, Adeline Seurat

Les projets de recherche développés dans ce premier thème visent à mieux comprendre comment se construisent les parcours de réussite au sein du système éducatif, du primaire à l’enseignement supérieur. Comme le souligne Forquin (1994)[2], cette notion de réussite est liée aux normes imposées par une institution scolaire, qui peuvent varier au sein de chaque niveau et de chaque cursus. La possibilité d’être à la hauteur des exigences formulées par l’institution scolaire dépend du rôle de l’héritage culturel, comme il a été montré dans les années 1960-1970 (Bourdieu et Passeron, 1964) mais également de la manière dont l’institution scolaire peut contribuer ou non à réduire les inégalités initiales (Duru-Bellat et Mingat, 1997).

L’objectif est donc de comprendre quel peut être le rôle de l’école pour améliorer les conditions de réussite tout en prenant en compte l’héritage et la socialisation familiale qui structurent toujours les inégalités. Dans ce cadre, et malgré les fortes disparités existantes en termes de ressources, au niveau des élèves et de leurs familles comme au niveau des établissements, on s’interrogera également sur les conditions d’une école efficace qui pourrait favoriser la réussite de tous (Demeuse et alii, 2005). Trois approches complémentaires seront privilégiées.

La première portera sur la manière dont les acquis et les compétences des apprenants se développent et évoluent dans différents contextes et contribuent à l’explication de la réussite. Elle passe nécessairement par la poursuite de réflexion sur ce que l’on peut considérer comme des compétences et leur mesure. La notion de compétences suscite de nombreuses réticences dans le système éducatif et reste encore à être consolidée d’un point de vue théorique (Crahay, 2006). Cependant, comme l’a souligné Duru-Bellat (2015), cette notion présente l’intérêt «d’ expliciter les objectifs que l’on vise et par conséquent d’ouvrir le débat sur ce que doit être le projet éducatif de l’école », en articulation avec le monde qui attend les élèves et qui ne se limite pas au marché du travail. De nombreuses recherches comme les travaux de Farkas (2003) en sociologie ou d’Heckman et al. (2006) en économie, ont souligné comment certaines compétences pouvaient affecter les parcours scolaires, la réussite aux différents niveaux du système éducatif et le processus de stratification sociale. Dans ce cadre, les travaux qui ont été engagés à l’IREDU et qui vont se poursuivre sur ce thème, vont concerner le développement des différentes compétences que l’on pourra considérer comme académiques, non académiques, sociales et comportementales des élèves, des étudiants et des enseignants.

La deuxième approche permettra de tenir compte des ressources dont les élèves sont dotés et qui sont susceptibles d’influencer leur réussite. Il s’agira de tenir compte des différentes inégalités sociales (Meuret, Morlaix, 2006) mais aussi des ressources plus collectives liées aux institutions éducatives, qui peuvent contribuer à structurer les inégalités de réussite. Une attention particulière portera sur les pratiques éducatives familiales participant à la construction de la difficulté ou de l’excellence scolaire par les ressources qui peuvent être engagées dans la production de ces dispositions (Garcia, 2013)[9], mais aussi par le jeu des « effets de contexte » qui dans le cadre de la classe, pèsent sur l’appréciation de la valeur scolaire des élèves.

La troisième approche, complémentaire aux deux précédentes, est centrée sur l’analyse des politiques publiques éducatives. Elle s’attache à étudier l’élaboration des réformes mises en œuvre dans un contexte politique donné et les dispositifs contextualisés qu’elles peuvent impulser (comme le Plan Réussite en Licence, le dispositif « Plus de maîtres que de classes » dans le cadre de la lutte globale contre l’échec). Elle comprend à ce titre aussi l’étude des modes de régulation, c’est-à-dire la manière dont l’Etat, en fonction des règles qu’il définit, réussit à maîtriser ou réduire les inégalités entre les différents groupes sociaux, ou au contraire, les renforce et par quels processus s’opère cette action (Amstromg, 1995)[10]. Le rôle qu’il confère aux différents acteurs, les relations entre ces acteurs et les pouvoirs publics participent activement à façonner et à orienter l’action publique éducative.

1.1. Acquis, compétences et réussite des élèves

D’un point de vue conceptuel comme du point de vue des modes d’évaluation des élèves, la notion de compétences ainsi que sa mesure suscitent de nombreuses controverses. La nature polysémique du terme utilisé et le risque d’une essentialisation invitent à une clarification des termes surtout si l’approche en termes de compétences est susceptible d’influencer l’analyse des inégalités de réussite dans un cadre scolaire (Letor et Vanderberghe, 2003). Le débat est d’ailleurs porté en dehors du monde strictement scientifique, par des institutions comme l’OCDE qui après avoir lancé un projet d’enquête sur les compétences disciplinaires des diplômés des universitaires, vient de publier un rapport plaidant pour l’importance des compétences sociales dans les parcours de vie, à l’école et en dehors, ces dernières étant présentées comme « un moyen de comprendre les inégalités sociales et économiques » (OCDE, 2015). Si certaines recherches confèrent un poids important aux compétences cognitives, notamment dans l’enseignement supérieur ou l’insertion sur le marché du travail, plusieurs travaux comme ceux d’Heckman et al. (op.cit) soulignent l’influence prépondérante d’autres compétences, parfois qualifiées de non académiques, sociales ou émotionnelles, sur une gamme encore plus large de résultats sociaux. Cependant, si ces compétences semblent en partie expliquer la réussite, leur cadre conceptuel s’appuie sur une diversité d’approches théoriques qui rendent difficile sa mesure et son évaluation. C’est dans cette perspective et compte tenu de ces difficultés, que vont être engagés plusieurs travaux, en interrogeant d’une part le concept de compétences, et en s’intéressant, d’autre part, au problème de la mesure, de l’acquisition et des effets de ces compétences sur la réussite des élèves ou leur orientation.

Un projet qui débute dans l’académie de Dijon, mené en partenariat avec le rectorat et financé par le BQR de l’ESPE, porte sur l’effet des compétences non académiques sur la réussite au brevet et l’orientation en fin de 3ème, notamment dans les établissements de l’éducation prioritaire. Il s’agira de s’interroger sur la manière dont ces compétences sont susceptibles d’influencer la réussite, les ambitions scolaires des enfants, mais également l’orientation effective (Giret, Morlaix). Par ailleurs, le partenariat scientifique initié avec le projet IDEFI TalentCampus va se poursuivre en s’interrogeant notamment sur les effets de certains programmes visant à développer les compétences non académiques sur les parcours scolaires et universitaires, dans une logique d’évaluation (Giret, Morlaix). Un autre projet plus spécifique concerneles déterminants environnementaux et personnels des comportements des élèves considérés comme asociaux et le développement par les élèves de certaines compétences sociales (Bennacer). L’objectif principal est dans ce cas, de saisir les mécanismes psychosociaux dynamiques relatifs au climat social de la classe par lesquels l’environnement socio-écologique de celle-ci détermine, seul et en interaction avec les caractéristiques personnelles, les comportements asociaux de l’élève (agressivité, mauvaise relation avec autrui et retrait social). D’autres travaux porteront sur l’enseignement supérieur, et s’intéresseront aux différents facteurs nécessaires aux développements des compétences académiques ou non académiques nécessaires à la réussite universitaire (Érard, Le Mener). Enfin, dans une perspective internationale, les compétences sociales des enseignants seront analysées, en mettant à jour les systèmes d’incitation propres aux différents pays participant à l’enquête TALIS, et qui permettent de développer chez les enseignants, différentes compétences favorables aux apprentissages des élèves (Duguet, Morlaix)

1.2. Rôle des ressources socio-économiques et des institutions éducatives dans les inégalités de réussite

Le deuxième sous-thème porte plus particulièrement sur les inégalités de réussite et le rôle des différentes institutions éducatives dans la fabrication de ces inégalités. S’il est couramment établi que les caractéristiques sociales, démographiques, économiques structurent le processus d’apprentissage et, in fine, les inégalités de réussite, l’organisation et le fonctionnement de l’école jouent aussi un rôle important dans la construction de ces inégalités. Les caractéristiques de la classe comme les caractéristiques de l’enseignant et ses pratiques pédagogiques ou de l’établissement constituent autant de facteurs qui peuvent jouer sur le niveau d’acquisitions atteint par les élèves.

Sont intégrées dans ce sous-thème les travaux qui ont vocation à comprendre comment se forment et se cumulent à ces différents niveaux, les inégalités de réussite. Des recherches porteront par exemple sur les stratégies éducatives des parents suite à la mise en place des nouveaux rythmes scolaires, les pratiques extrascolaires et le lien avec la réussite scolaire, les différentes démarches des agents de l’institution scolaire pour « orienter » les élèves en difficulté ou pour réduire la difficulté scolaire (Garcia). De même que les relations entre stratification sociale et pratiques éducatives, les pratiques d’instruction en famille (Garcia, Farges), à partir par exemple de l’implication de l’IREDU dans les groupes d’exploitation de l’enquête ELFE. L’utilisation du numérique par les établissements et les enseignants des différents niveaux du système éducatif (premier, second degrés et enseignement supérieur) sera aussi étudiée du point de vue des inégalités d’apprentissage qu’elle est susceptible de créer entre les élèves, mais aussi entre les établissements (Duguet, Giret, Morlaix). Dans une perspective de comparaison internationale, un autre projet a pour ambition de mieux comprendre les facteurs internes ou externes à l’institution scolaire qui peuvent expliquer le développement plus ou moins important des compétences des élèves de 15 ans en mathématiques (Meuret, Morlaix, Le Mener) à partir des enquêtes PISA entre 2003 et 2012.

1.3 Politiques publiques éducatives, modes de régulation des inégalités et acteurs.

Ce sous-thème est consacré à l’action publique en matière éducative. L’intérêt est de mieux comprendre les travaux qui portent sur les formes de catégorisation des problèmes éducatifs par l’Etat, les réponses qui sont formulées à ces problèmes et les dispositifs qui en résultent. D’un point vue théorique, l’originalité consiste à s’attacher à analyser la fabrication de ces politiques, qui dépend des modes de sélection des problèmes, la manière dont ils sont construits comme « problèmes publics » (Gustield, 2009), les luttes et les stratégies des acteurs pour mettre telle ou telle question à l’agenda. Cela suppose de prendre en compte notamment les logiques de mobilisation collective, de médiatisation et de politisation. Ce cadre d’analyse s’appuiera sur des recherches en cours concernant les difficultés liées à la mise en place au niveau local de certaines politiques comme l’aménagement des rythmes scolaires (Bonnard, Perret) ou la construction de l’offre périscolaire (Farges, Garcia).

A partir de l’étude de certains dispositifs supposés favoriser la réussite, il s’agira de comprendre comment certains groupes sociaux mobilisés interviennent et peuvent faire reconnaître et adopter leur expertise en matière de « résolution » des problèmes. L’intérêt est également de démarquer d’une vision un peu naïve des pouvoirs publics comme « neutres » et détenteurs des solutions les plus conformes à l’intérêt collectif, tandis que les « professionnels de première ligne » (Dubois, 1999) seraient assignés à la mise en œuvre réussie ou à « la résistance au changement ». Plusieurs terrains empiriques menés en Bourgogne et en Franche-Comté comme l’analyse des effets du Plan Réussite en Licence (Morlaix et Perret), des dispositifs « Plus de maîtres que de classe » (Garcia), « les classes sans notes » (Genelot), des dispositifs d’accueil des élèves nouvellement arrivés en France (Garcia) viendront nourrir cette réflexion. Au niveau national ou international, les interrogations par exemple sur l’efficacité de dispositifs, comme les Rased en France (Bonnard, Giret) ou, au niveau international, sur les politiques éducatives développées dans le cadre du plan « Education Pour Tous » (Mingat, Poirier, Seurat) pourront également contribuer à capitaliser sur ces questions. Enfin, la réflexion sera élargie aux différents acteurs du champ de la prescription pédagogique mais aussi au marché qui intervient en tant que prescripteur de normes sur les politiques publiques comme par exemple dans l’édition de manuels scolaires (Garcia).

 


[1] La majorité des enseignants chercheurs collaborent sur les deux thèmes. Nous avons cependant essayé de les classer selon leur contribution principale tout en mentionnant dans le texte leurs contributions aux travaux de l’autre thème.

[2]Forquin J. C. (1982). L’approche sociologique de la réussite et de l’échec scolaires : inégalités de réussite scolaire et appartenance sociale. Revue Française de Pédagogie, 59(1), 52-75.

[3] Duru-Bellat M., Mingat A. (1997) La constitution de classes de niveau au collège ; les effets pervers d’une pratique à visée égalisatrice. Revue Française de Sociologie, 38(4), 754-789.

[4] Demeuse M., Baye A., Straeten M-H., Nicaise J., Matoul A. (2005). Vers une école juste et efficace. Bruxelles : De Boeck

[5]Crahay M. (2006). Dangers, incertitudes et incomplétude de la logique de la compétence en éducation. Revue Française de Pédagogie, 154, 97-110.

[6] Duru-Bellat M. (2015). Les compétences non académiques en question. Formation emploi, 130, 13-29.

[7] Farkas G. (2003). Cognitive skills and noncognitive traits and behaviors in stratification processes. Annual review of sociology, 541-562.

[8] Heckman J. J., Stixrud J., Urzua S. (2006). The effects of cognitive and noncognitive abilities on labour market outcomes and social behaviour. Journal of Labour Economics, 24(3), 411–482.

[9] Garcia S. (2013). A l’école des dyslexiques. Combattre ou naturaliser l’échec scolaire. Paris : La Découverte.

[10] Amstromg D. (1995). Power and partnership in Education. London : Routledge.

[11]Letor C., Vandenberghe V. (2003). L’accès aux compétences est-il plus (in) équitable que l’accès aux savoirs traditionnels ? Cahier de Recherche du GIRSEF, 25.

[12]L’enquête AHELO (Assessment of Higher Education Learning Outcomes)

[13]OCDE (2015). Skills for social progress. The power of social and emotional skills. Paris : OECD.

[14] Cela sera fait dans le cadre d’un programme interdisciplinaire de recherche COGSTIM (COGSTIM/Stimulation cognitive, motrice, et réalité virtuelle : Applications à la santé et à l’éducation) initié par l’Université de Bourgogne dans le cadre d’une spécialisation scientifique autour de l’apprentissage et de la santé et financé par le Conseil Régional de Bourgogne (programme PARI).

[15] Gusfield J. (2009). La culture des problèmes publics : L’alcool au volant : la production d’un ordre symbolique. Paris : Economica.

[16] Ce projet bénéficie également d’un financement dans le cadre du programme PARI inter-laboratoire et financé par le Conseil Régional de Bourgogne sur l’attractivité des territoires.

[17] Les recherches sur ces premiers dispositifs sont financées par un BQR de l’ESPE.

[18] Cette recherche est menée dans le cadre du projet EVASCOL.

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Thème : Conditions sociales et scolaires de la réussite

1.1. Acquis, compétences et réussite des élèves

1.2. Rôle des ressources socio-économiques et des institutions éducatives dans les inégalités de réussite

1.3. Politiques publiques éducatives, modes de régulation des inégalités et acteurs.

Responsables de thème : S. Garcia et S. Morlaix.

Participants statutaires au thème : Halim Bennacer, Amélie Duguet, Sandrine Garcia, Sophie Genelot, Marielle Le Mener, Denis Meuret (émérite), Sophie Morlaix.

Associés: Marie Duru-Bellat, Daniel Janichon, Alain Mingat, Cathy Perret, Thierry Troncin, Adeline Seurat

Les projets de recherche développés dans ce premier thème visent à mieux comprendre comment se construisent les parcours de réussite au sein du système éducatif, du primaire à l'enseignement supérieur. Comme le souligne Forquin (1994)[2], cette notion de réussite est liée aux normes imposées par une institution scolaire, qui peuvent varier au sein de chaque niveau et de chaque cursus. La possibilité d’être à la hauteur des exigences formulées par l’institution scolaire dépend du rôle de l’héritage culturel, comme il a été montré dans les années 1960-1970 (Bourdieu et Passeron, 1964) mais également de la manière dont l’institution scolaire peut contribuer ou non à réduire les inégalités initiales (Duru-Bellat et Mingat, 1997).

L’objectif est donc de comprendre quel peut être le rôle de l'école pour améliorer les conditions de réussite tout en prenant en compte l’héritage et la socialisation familiale qui structurent toujours les inégalités. Dans ce cadre, et malgré les fortes disparités existantes en termes de ressources, au niveau des élèves et de leurs familles comme au niveau des établissements, on s’interrogera également sur les conditions d’une école efficace qui pourrait favoriser la réussite de tous (Demeuse et alii, 2005). Trois approches complémentaires seront privilégiées.

La première portera sur la manière dont les acquis et les compétences des apprenants se développent et évoluent dans différents contextes et contribuent à l'explication de la réussite. Elle passe nécessairement par la poursuite de réflexion sur ce que l’on peut considérer comme des compétences et leur mesure. La notion de compétences suscite de nombreuses réticences dans le système éducatif et reste encore à être consolidée d’un point de vue théorique (Crahay, 2006). Cependant, comme l’a souligné Duru-Bellat (2015), cette notion présente l’intérêt «d' expliciter les objectifs que l’on vise et par conséquent d’ouvrir le débat sur ce que doit être le projet éducatif de l’école », en articulation avec le monde qui attend les élèves et qui ne se limite pas au marché du travail. De nombreuses recherches comme les travaux de Farkas (2003) en sociologie ou d'Heckman et al. (2006) en économie, ont souligné comment certaines compétences pouvaient affecter les parcours scolaires, la réussite aux différents niveaux du système éducatif et le processus de stratification sociale. Dans ce cadre, les travaux qui ont été engagés à l’IREDU et qui vont se poursuivre sur ce thème, vont concerner le développement des différentes compétences que l’on pourra considérer comme académiques, non académiques, sociales et comportementales des élèves, des étudiants et des enseignants.

La deuxième approche permettra de tenir compte des ressources dont les élèves sont dotés et qui sont susceptibles d'influencer leur réussite. Il s'agira de tenir compte des différentes inégalités sociales (Meuret, Morlaix, 2006) mais aussi des ressources plus collectives liées aux institutions éducatives, qui peuvent contribuer à structurer les inégalités de réussite. Une attention particulière portera sur les pratiques éducatives familiales participant à la construction de la difficulté ou de l’excellence scolaire par les ressources qui peuvent être engagées dans la production de ces dispositions (Garcia, 2013)[9], mais aussi par le jeu des « effets de contexte » qui dans le cadre de la classe, pèsent sur l’appréciation de la valeur scolaire des élèves.

La troisième approche, complémentaire aux deux précédentes, est centrée sur l’analyse des politiques publiques éducatives. Elle s’attache à étudier l’élaboration des réformes mises en œuvre dans un contexte politique donné et les dispositifs contextualisés qu’elles peuvent impulser (comme le Plan Réussite en Licence, le dispositif « Plus de maîtres que de classes » dans le cadre de la lutte globale contre l’échec). Elle comprend à ce titre aussi l’étude des modes de régulation, c’est-à-dire la manière dont l’Etat, en fonction des règles qu’il définit, réussit à maîtriser ou réduire les inégalités entre les différents groupes sociaux, ou au contraire, les renforce et par quels processus s’opère cette action (Amstromg, 1995)[10]. Le rôle qu’il confère aux différents acteurs, les relations entre ces acteurs et les pouvoirs publics participent activement à façonner et à orienter l’action publique éducative.

1.1. Acquis, compétences et réussite des élèves

D’un point de vue conceptuel comme du point de vue des modes d’évaluation des élèves, la notion de compétences ainsi que sa mesure suscitent de nombreuses controverses. La nature polysémique du terme utilisé et le risque d’une essentialisation invitent à une clarification des termes surtout si l'approche en termes de compétences est susceptible d'influencer l'analyse des inégalités de réussite dans un cadre scolaire (Letor et Vanderberghe, 2003). Le débat est d'ailleurs porté en dehors du monde strictement scientifique, par des institutions comme l'OCDE qui après avoir lancé un projet d'enquête sur les compétences disciplinaires des diplômés des universitaires, vient de publier un rapport plaidant pour l’importance des compétences sociales dans les parcours de vie, à l'école et en dehors, ces dernières étant présentées comme « un moyen de comprendre les inégalités sociales et économiques » (OCDE, 2015). Si certaines recherches confèrent un poids important aux compétences cognitives, notamment dans l’enseignement supérieur ou l’insertion sur le marché du travail, plusieurs travaux comme ceux d'Heckman et al. (op.cit) soulignent l'influence prépondérante d’autres compétences, parfois qualifiées de non académiques, sociales ou émotionnelles, sur une gamme encore plus large de résultats sociaux. Cependant, si ces compétences semblent en partie expliquer la réussite, leur cadre conceptuel s’appuie sur une diversité d’approches théoriques qui rendent difficile sa mesure et son évaluation. C’est dans cette perspective et compte tenu de ces difficultés, que vont être engagés plusieurs travaux, en interrogeant d’une part le concept de compétences, et en s’intéressant, d’autre part, au problème de la mesure, de l’acquisition et des effets de ces compétences sur la réussite des élèves ou leur orientation.

Un projet qui débute dans l'académie de Dijon, mené en partenariat avec le rectorat et financé par le BQR de l’ESPE, porte sur l’effet des compétences non académiques sur la réussite au brevet et l’orientation en fin de 3ème, notamment dans les établissements de l’éducation prioritaire. Il s’agira de s’interroger sur la manière dont ces compétences sont susceptibles d’influencer la réussite, les ambitions scolaires des enfants, mais également l’orientation effective (Giret, Morlaix). Par ailleurs, le partenariat scientifique initié avec le projet IDEFI TalentCampus va se poursuivre en s’interrogeant notamment sur les effets de certains programmes visant à développer les compétences non académiques sur les parcours scolaires et universitaires, dans une logique d’évaluation (Giret, Morlaix). Un autre projet plus spécifique concerneles déterminants environnementaux et personnels des comportements des élèves considérés comme asociaux et le développement par les élèves de certaines compétences sociales (Bennacer). L’objectif principal est dans ce cas, de saisir les mécanismes psychosociaux dynamiques relatifs au climat social de la classe par lesquels l’environnement socio-écologique de celle-ci détermine, seul et en interaction avec les caractéristiques personnelles, les comportements asociaux de l’élève (agressivité, mauvaise relation avec autrui et retrait social). D’autres travaux porteront sur l’enseignement supérieur, et s’intéresseront aux différents facteurs nécessaires aux développements des compétences académiques ou non académiques nécessaires à la réussite universitaire (Érard, Le Mener). Enfin, dans une perspective internationale, les compétences sociales des enseignants seront analysées, en mettant à jour les systèmes d’incitation propres aux différents pays participant à l’enquête TALIS, et qui permettent de développer chez les enseignants, différentes compétences favorables aux apprentissages des élèves (Duguet, Morlaix)

1.2. Rôle des ressources socio-économiques et des institutions éducatives dans les inégalités de réussite

Le deuxième sous-thème porte plus particulièrement sur les inégalités de réussite et le rôle des différentes institutions éducatives dans la fabrication de ces inégalités. S'il est couramment établi que les caractéristiques sociales, démographiques, économiques structurent le processus d’apprentissage et, in fine, les inégalités de réussite, l’organisation et le fonctionnement de l’école jouent aussi un rôle important dans la construction de ces inégalités. Les caractéristiques de la classe comme les caractéristiques de l’enseignant et ses pratiques pédagogiques ou de l’établissement constituent autant de facteurs qui peuvent jouer sur le niveau d’acquisitions atteint par les élèves.

Sont intégrées dans ce sous-thème les travaux qui ont vocation à comprendre comment se forment et se cumulent à ces différents niveaux, les inégalités de réussite. Des recherches porteront par exemple sur les stratégies éducatives des parents suite à la mise en place des nouveaux rythmes scolaires, les pratiques extrascolaires et le lien avec la réussite scolaire, les différentes démarches des agents de l’institution scolaire pour « orienter » les élèves en difficulté ou pour réduire la difficulté scolaire (Garcia). De même que les relations entre stratification sociale et pratiques éducatives, les pratiques d’instruction en famille (Garcia, Farges), à partir par exemple de l'implication de l'IREDU dans les groupes d'exploitation de l'enquête ELFE. L’utilisation du numérique par les établissements et les enseignants des différents niveaux du système éducatif (premier, second degrés et enseignement supérieur) sera aussi étudiée du point de vue des inégalités d'apprentissage qu'elle est susceptible de créer entre les élèves, mais aussi entre les établissements (Duguet, Giret, Morlaix). Dans une perspective de comparaison internationale, un autre projet a pour ambition de mieux comprendre les facteurs internes ou externes à l’institution scolaire qui peuvent expliquer le développement plus ou moins important des compétences des élèves de 15 ans en mathématiques (Meuret, Morlaix, Le Mener) à partir des enquêtes PISA entre 2003 et 2012.

1.3 Politiques publiques éducatives, modes de régulation des inégalités et acteurs.

Ce sous-thème est consacré à l’action publique en matière éducative. L’intérêt est de mieux comprendre les travaux qui portent sur les formes de catégorisation des problèmes éducatifs par l’Etat, les réponses qui sont formulées à ces problèmes et les dispositifs qui en résultent. D’un point vue théorique, l’originalité consiste à s’attacher à analyser la fabrication de ces politiques, qui dépend des modes de sélection des problèmes, la manière dont ils sont construits comme « problèmes publics » (Gustield, 2009), les luttes et les stratégies des acteurs pour mettre telle ou telle question à l’agenda. Cela suppose de prendre en compte notamment les logiques de mobilisation collective, de médiatisation et de politisation. Ce cadre d’analyse s’appuiera sur des recherches en cours concernant les difficultés liées à la mise en place au niveau local de certaines politiques comme l'aménagement des rythmes scolaires (Bonnard, Perret) ou la construction de l’offre périscolaire (Farges, Garcia).

A partir de l’étude de certains dispositifs supposés favoriser la réussite, il s’agira de comprendre comment certains groupes sociaux mobilisés interviennent et peuvent faire reconnaître et adopter leur expertise en matière de « résolution » des problèmes. L’intérêt est également de démarquer d’une vision un peu naïve des pouvoirs publics comme « neutres » et détenteurs des solutions les plus conformes à l’intérêt collectif, tandis que les « professionnels de première ligne » (Dubois, 1999) seraient assignés à la mise en œuvre réussie ou à « la résistance au changement ». Plusieurs terrains empiriques menés en Bourgogne et en Franche-Comté comme l’analyse des effets du Plan Réussite en Licence (Morlaix et Perret), des dispositifs « Plus de maîtres que de classe » (Garcia), « les classes sans notes » (Genelot), des dispositifs d’accueil des élèves nouvellement arrivés en France (Garcia) viendront nourrir cette réflexion. Au niveau national ou international, les interrogations par exemple sur l’efficacité de dispositifs, comme les Rased en France (Bonnard, Giret) ou, au niveau international, sur les politiques éducatives développées dans le cadre du plan « Education Pour Tous » (Mingat, Poirier, Seurat) pourront également contribuer à capitaliser sur ces questions. Enfin, la réflexion sera élargie aux différents acteurs du champ de la prescription pédagogique mais aussi au marché qui intervient en tant que prescripteur de normes sur les politiques publiques comme par exemple dans l’édition de manuels scolaires (Garcia).

 


[1] La majorité des enseignants chercheurs collaborent sur les deux thèmes. Nous avons cependant essayé de les classer selon leur contribution principale tout en mentionnant dans le texte leurs contributions aux travaux de l’autre thème.

[2]Forquin J. C. (1982). L'approche sociologique de la réussite et de l'échec scolaires : inégalités de réussite scolaire et appartenance sociale. Revue Française de Pédagogie, 59(1), 52-75.

[3] Duru-Bellat M., Mingat A. (1997) La constitution de classes de niveau au collège ; les effets pervers d'une pratique à visée égalisatrice. Revue Française de Sociologie, 38(4), 754-789.

[4] Demeuse M., Baye A., Straeten M-H., Nicaise J., Matoul A. (2005). Vers une école juste et efficace. Bruxelles : De Boeck

[5]Crahay M. (2006). Dangers, incertitudes et incomplétude de la logique de la compétence en éducation. Revue Française de Pédagogie, 154, 97-110.

[6] Duru-Bellat M. (2015). Les compétences non académiques en question. Formation emploi, 130, 13-29.

[7] Farkas G. (2003). Cognitive skills and noncognitive traits and behaviors in stratification processes. Annual review of sociology, 541-562.

[8] Heckman J. J., Stixrud J., Urzua S. (2006). The effects of cognitive and noncognitive abilities on labour market outcomes and social behaviour. Journal of Labour Economics, 24(3), 411–482.

[9] Garcia S. (2013). A l'école des dyslexiques. Combattre ou naturaliser l'échec scolaire. Paris : La Découverte.

[10] Amstromg D. (1995). Power and partnership in Education. London : Routledge.

[11]Letor C., Vandenberghe V. (2003). L’accès aux compétences est-il plus (in) équitable que l’accès aux savoirs traditionnels ? Cahier de Recherche du GIRSEF, 25.

[12]L'enquête AHELO (Assessment of Higher Education Learning Outcomes)

[13]OCDE (2015). Skills for social progress. The power of social and emotional skills. Paris : OECD.

[14] Cela sera fait dans le cadre d’un programme interdisciplinaire de recherche COGSTIM (COGSTIM/Stimulation cognitive, motrice, et réalité virtuelle : Applications à la santé et à l’éducation) initié par l’Université de Bourgogne dans le cadre d’une spécialisation scientifique autour de l’apprentissage et de la santé et financé par le Conseil Régional de Bourgogne (programme PARI).

[15] Gusfield J. (2009). La culture des problèmes publics : L'alcool au volant : la production d'un ordre symbolique. Paris : Economica.

[16] Ce projet bénéficie également d’un financement dans le cadre du programme PARI inter-laboratoire et financé par le Conseil Régional de Bourgogne sur l’attractivité des territoires.

[17] Les recherches sur ces premiers dispositifs sont financées par un BQR de l’ESPE.

[18] Cette recherche est menée dans le cadre du projet EVASCOL.

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